Difficile d'y échapper. Depuis les années 60, les cheminées des usines et leurs fumées font partie du paysage de l'agglomération de Dunkerque (Nord) : le port le plus septentrional de l'Hexagone compte même une quinzaine de sites Seveso. « Mais d'ici quelques années, le paysage aura complètement changé, j'en suis certain », assure Rafael Ponce. Sous-entendu : l'industrie aura verdi. Un doux rêveur, le directeur général adjoint à la communauté urbaine de Dunkerque (Nord), en charge de l'économie et de l'attractivité ? L'actualité des derniers mois va dans son sens. Rafaël Ponce, directeur général adjoint à la communauté urbaine, est convaincu qu'une « véritable révolution se passe à Dunkerque ». | OUEST-FRANCE Début février, la start-up française Verkor annonçait la construction de sa première « gigafactory » pour le développement de batteries bas carbone de voitures. Emplois espérés : 1200, 3 000 avec les emplois indirects. Dans la foulée, c'est ArcelorMittal, poids lourd industriel du Dunkerquois (avec 3 800 salariés) qui communiquait sur sa volonté de verdir la production de son acier. Une nouvelle unité transformera le minerai de fer avec de l'hydrogène, entraînant la fermeture de deux hauts fourneaux sur trois. De leur côté, Engie et Infinium ont présenté un projet de production de carburant de synthèse à destination du transport aérien et maritime. Reuze réutilisera 300 000 tonnes de CO2 captés chez Arcelor, et de l'hydrogène vert. Trois annonces hautement symboliques pour la décarbonation d'un territoire qui concentre 22 % des émissions de CO2 industrielles de France, et 72 % au niveau régional ! Et qui s'ajoutent à d'autres projets plus ou moins avancés allant dans le même sens : un champ éolien off-shore, le développement du photovoltaïque sur le port, sans oublier deux nouveaux EPR nouvelle génération à la centrale nucléaire de Gravelines (la Commission européenne a récemment estimé que les centrales nucléaires, sous certaines conditions, participent à cet effort de décarbonation). Les usines font partie du paysage dunkerquois depuis les années 60. Le territoire représente 20 % des émissions de CO2 en France. | OUEST-FRANCE Chauffage urbain depuis les années 80 Comment expliquer ce « verdissement » de la première plateforme énergétique d'Europe ? Réduire les émissions ou recycler les énergies produites n'est pas tout à fait nouveau. À Dunkerque, la mise en place d'un réseau de récupération de chaleur industrielle pour alimenter un chauffage urbain date des années 80. Mais depuis son élection à la mairie de Dunkerque puis à la présidence de l'agglomération en 2014, Patrice Vergriete (divers gauche, aujourd'hui soutien d'Emmanuel Macron) a placé ces questions de transition énergétique au cœur des priorités, que ce soit dans l'industriel ou la vie des citoyens. Bus gratuit En 2018, le Dunkerquois se distinguait en instaurant le bus gratuit. En 2019, le projet autour de la transition énergétique du complexe industrialo-portuaire était l'un des vingt-quatre lauréats du programme Territoires d'innovation, lancé par l'État. Dunkerque bénéficie également de« l'air du temps », précise François Lavallée, président de la CCI Littoral Hauts-de-France. « Il y a l'effet Covid. Les différents plans lancés par l'État ou l'Europe (comme France 2030, N.D.L.R.) aident des entreprises comme Arcelor dans leur décarbonation. » « Territoire qui accueille les industries du futur » Et les décideurs dunkerquois ont choisi d'associer industrie et transition, sans les opposer. « Notre idée, c'est de maintenir l'activité existante, en la faisant correspondre aux nouvelles normes environnementales et demandes sociétales, confirme Rafaël Ponce. Tout en se positionnant comme un territoire qui accueille les industries du futur. » L'exemple de Verkor illustre cette philosophie. Parmi la quarantaine de candidatures étudiées par la start-up grenobloise, Dunkerque a fait la différence par ses réserves foncières sur le Grand port maritime, un terrain livré clé en main, des possibilités d'extension, etc. Cette implantation doit en amener d'autres autour du traitement de ces batteries en amont, comme en aval (production d'anodes et cathodes, recyclage). Et Verkor va bénéficier de l'autoroute de la chaleur, alimentée par la vapeur d'eau issue des autres industries du territoire… « Révolution technique en marche » Dunkerque, exemple à suivre ? Côté CCI, François Lavallée se dit ravi de voir « cette révolution technique en marche ». Mais les « projets ne valent que parce qu'ils sont associés à d'autres et font partie d'un ensemble cohérent ». Une pierre dans le jardin d'Europe Écologie les Verts. Si les Verts locaux reconnaissent de véritables avancées dans la transition énergétique, ils se désolent en effet du soutien du territoire à l'implantation des deux nouveaux EPR : « Nous ne comprenons pas ce choix, notamment avec les risques de submersion marine et d'évolution du trait de côte, lâche Géry Champagne. D'où la démission de notre élue du conseil municipal en mars (elle avait été élue sur la liste de Patrice Vergriete). » Pas de quoi désarçonner la communauté urbaine : « Sans le nucléaire, on ne peut pas décarboner ainsi, assène Rafael Ponce. Pour produire, il faut de l'énergie. » Avant d'ajouter : « On ne s'en rend peut-être pas encore compte, mais c'est une véritable révolution qui se passe ici. » Le coût de la décarbonation de l'industrie dans le Dunkerquois est estimé entre 4 et 5 milliards d'euros. Transition écologique. Comment Dunkerque, ville d'usines, tente de passer au vert AGRANDIR Dunkerque Transition écologique Environnement Industrie Actualité en continuSource: https://www.ouest-france.fr/hauts-de-france/dunkerque-59140/transition-ecologique-cette-ville-d-usines-tente-de-passer-au-vert-f35e409a-dcd0-11ec-96eb-2d24e96c2715